La délégation de pouvoirs en droit pénal

La notion de délégation renvoie généralement à deux concepts juridiques essentiels : la délégation de pouvoirs (au sens pénal) et le mandat (au sens civil ou commercial).

Ces actes doivent être clairement distingués du point de vue de leurs critères, de leurs objectifs et de leurs effets.

 

La délégation de pouvoirs du point de vue civil ou commercial : le mandat

 

Selon l'article 1984 du Code civil, le mandat est « l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

Par exemple, en droit du travail, il peut s'agir d'un mandat pour représenter (la société en justice ou le chef d'entreprise au comité), d'un mandat pour négocier et conclure (un accord collectif ou un contrat de travail), mandat pour signer et notifier un acte (ex : lettre de licenciement). Il s'agit essentiellement de mandats représentatifs.

Comparé à la délégation de pouvoirs au sens pénal, et contrairement au délégant, le mandant ne se dessaisit pas de son pouvoir.

Le mandat permettra de valider les actes juridiques (ex : lettre de licenciement en droit du travail) et les engagements de la société à l'égard des tiers. Mais il n'opère pas substitution ou transfert de responsabilité pénale.

En droit pénal, la délégation désigne le transfert d'une autorité impliquant à la fois le transfert d'un pouvoir de décision et de la responsabilité pénale attachée à ce pouvoir.

 

La délégation de pouvoirs du point de vue pénal

 

Dans la délégation de pouvoirs, le délégant se dessaisit de son pouvoir qu'il ne pourra exercer tant que la délégation n'aura pas été retirée. Une ingérence dans le pouvoir délégué ferait d'ailleurs tomber l'effet exonératoire de la responsabilité pénale attachée à la délégation.

La délégation de pouvoirs comporte, en soi, le pouvoir de décision et de signature des actes liés aux activités déléguées. Mais elle emporte un effet propre au droit pénal : le transfert ou la substitution de responsabilité pénale.

Si la délégation est valide et efficace du point de vue juridique, la responsabilité pénale du délégant ne pourra pas, en principe, être mise en cause et sera reportée sur le délégataire.

Enfin, la délégation de pouvoirs n'écarte pas, en principe, la responsabilité civile de l'employeur.

La délégation de pouvoirs est une création jurisprudentielle (11 mars 1993) : « ...sauf si la loi en décide autrement, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ».

Ellle reçoit application dans des domaines divers:

- sécurité du personnel (accident du travail : homicide ou blessures involontaires, délit de mise en danger...)

- environnement (non-respect de la réglementation ICPE, pollution ...)

- consommation (tromperie, délit de publicité mensongère, revente à perte, facturation non conforme)

 

Quel délégant (dirigeant) ?

 

- PDG ou DG / Gérant pour les sociétés à chef d'entreprise unique

- Président du directoire pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance (possibilité de répartition entre les membres du directoire)

 

Conditions relatives au délégataire

 

- Un préposé, salarié de l'entreprise, placé sous l'autorité hiérarchique du chef d'entreprise

La délégation ne peut, en principe, être consentie à un tiers à l'entreprise.

 

- Ayant autorité:

Pouvoir sur les hommes (sanction, licenciement ...)

Pouvoir sur les événements (pouvoir de faire cesser une machine ...)

Pouvoir exclusif : en cas d'intervention du déléguant ou de cumul de délégations, la délégation pour être écartée

 

- Ayant des compétences:

Formation professionnelle

Cursus

Autres éléments d'appréciation (rémunération, ancienneté ...)

 

- Ayant les moyens:

Budget

Pouvoirs de gestion / représentation

Support technique (exemple : documentation ...)

 

La délégation de pouvoirs risque d'être rejetée par les tribunaux lorsqu'elle est purement formelle : si le délégataire désigné formellement n'a pas la compétence nécessaire, il manque alors une condition de validité de la délégation de pouvoirs.

La délégation requiert le consentement des intéressés.

L'écrit n'est pas nécessaire mais est conseillé car il constitue un moyen de preuve.

La délégation doit être claire et doit être dépourvue d'ambiguïté, notamment sur les conséquences de la délégation (transfert de la responsabilité pénale).

La délégation doit opérer un transfert de pouvoirs limité, précis, effectif, d'une durée de suffisante.

Le dirigeant de l'entreprise ne peut donc pas déléguer l'intégralité de ses prérogatives et le champ d'exercice de la délégation ne doit pas être trop large.

Il ne peut y avoir de cumul de délégations sur un même secteur : la Chambre Criminelle a affirmé à plusieurs reprises qu'un cumul de délégations de pouvoirs est de nature à restreindre l'autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires tout en rendant délicate l'identification d'un responsable.

Un subdélégataire peut être désigné. Il doit lui-même avoir l'autorité, la compétence et les moyens nécessaires à la réalisation de sa mission. L'autorisation du chef d'entreprise n'est pas une condition de la validité des subdélégations.

Le délégataire d'une délégation de pouvoirs est considéré comme « représentant » de la personne morale : il peut, s'il agit « pour le compte » de la personne morale, engager sa responsabilité.

Une société ne saurait invoquer une délégation de pouvoirs consentie par le directeur de la société à un préposé pour s'affranchir de sa propre responsabilité.

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